Bonsoiiiiir!
J’ai enfin pris le temps de poster mon Inktober 2017 ici: étant en rade de scanner, j’ai tout pris en photo avec mon Iphone donc le résultat n’est pas idéal. Mais j’avais envie que mes dessins soient tous réunis ici!
Inktober, pour ceux qui ne connaitraient pas le principe, c’est un défi international qui consiste à produire un dessin à la main pendant tout le mois d’octobre. Idéalement à l’encre, et en suivant ou non une liste officielle de thèmes pour chaque jour (je ne suis jamais vraiment les thèmes imposés, le défi étant surtout, pour moi, de produire un dessin « valable » à la main pendant un mois entier): on poste son image quotidiennement sur les réseaux avec le hashtag #inktober, et on partage nos dessins avec le monde entier.
C’est une période ultra stimulante, et depuis deux ans j’essaie de m’y tenir, parce que le résultat final est toujours gratifiant.
Mais cette année, je me suis mis la pression encore un peu plus fort.
J’ai voulu illustrer un poème de femme par jour.
Pourquoi?
1) Parce que j’adore la poésie (cf mon exposition Poésie Cosmique l’année dernière, dont toute une partie était consacrée à Éluard)
2) Et parce que cela fait à peu près un an que je lis des femmes en poésie (que je les cherche, n’ayant lu que des hommes dans ce domaine toute ma vie), et j’ai fait le constat navrant que ces dernières sont extrêmement sous représentées, que ce soit dans les rayons des librairies, les émissions littéraires ou les programmes scolaires. Rien de bien nouveau quoi.
Pour vous dire, j’ai suivi un cursus littéraire au lycée, et aucun nom de poétesse n’a jamais été mentionné.
Du coup, je m’attendais à ce qu’il soit compliqué d’en trouver 30: je pensais faire des doublons, tricher en incluant de la prose etc. Mais en fait la vérité c’est que j’ai dû FAIRE DES CHOIX tant j’en ai trouvées.
Entre les vivantes, les mortes, les françaises, les suisses, les anglaises, les libanaises, les grecques, les américaines, les russes… Bref, je vous le dis tout de suite, cet inktober est un bien mince panel loin, c’est une sélection très personnelle loin d’être exhaustive (il y a beaucoup de 19eme et début 20e par exemple, car ce sont mes périodes fétiches).
Les quatre derniers jours je m’arrachais les cheveux pour me décider sur les dernières que j’allais illustrer…
C’est donc une réalité, des femmes poètes il y en a des tonnes, tous siècles confondus.
Pourtant, une fois passées Akhmatova, Dickinson et Tsvetaeva qui sont à peu près les seules « reconnues » du public, on plonge dans un océan d’oubli.
En commençant cet Inktober, j’en avais environ quinze en tête.
Alors je suis partie en croisade à la recherche de nouvelles poétesses. Et bon sang! J’ai découvert des PÉPITES, et certaines font carrément partie de mon petit panthéon aujourd’hui, comme Joyce Mansour, Alejandra Pizarnik, Ingeborg Bachmann ou Anise Koltz.
pour ce défi j’ai épluché les sites spécialisés comme Poetry Foundation, Un Jour Un Poème ou Poésie française, j’écoutais des podcast de France Culture en dessinant, je commandais des livres ou allais les chercher en librairie (la plupart de ces femmes ne sont plus éditées, alors il fallait commander chez des libraires spécialisés ou sur Ebay), je lisais chaque receuil avec un crayon à papier à la main et des post-it, j’annotais et recopiais mes poèmes favoris sur un fichier Word en ligne, sur lequel je copiais aussi les centaines de pages internet en lien avec les poétesses découvertes chaque jour…
Bref, je me suis immergée complètement et entièrement dans les mots de ces femmes pendant un mois complet, pour tenter d’en extraire à chaque fois le vers ou le poème que j’allais avoir envie de partager avec vous. Celui qui allait m’inspirer, me donner envie de dessiner.
Parfois j’ai choisi de faire simplement le portrait de la poétesse, quand son univers entier ou certaines caractéristiques physiques m’inspiraient davantage.
Je posterai sûrement la bibliographie de ce projet dans les semaines à venir, pour celles et ceux que ça intéresse.
Je rajoute dans ce post d’autres dessins que ceux « officiels », qui font partie de mon carnet de recherches: des textes recopiées, des essais de portraits, des errances graphiques.
Comme j’ai commencé le défi le 2 octobre, il y a 30 poétesses « officielles ».
Mais j’ai rajouté Anaïs Nin juste pour moi, parce que… YOU KNOW. <3
I store up my nightness against you
Heavy with shut-flower’s nightmare
.
.
J’emmagasine des nuits contre toi
Peuplées de lourds cauchemars de fleurs closes
.
.
extrait du poème Chansons d’amour à Joannes
1915-1917
(traduit par Olivier Apert)
.
Je tiens un bouquet de giroflées blanches
Elles cachent un feu secret pour brûler
Celui qui les prendra de mes mains timides
En effleurant ma paume tiède.
Extrait du poème « Le soir » de 1912
(traduit par Jean-Louis Backès)
How frail
Above the buck
Of crashing water hangs,
Autumnal, evanescent, wan,
The moon.
These be
Three silent things:
The falling snow..the hour
Before the dawn..the mouth of one
Just dead.
She cared not a rap for all the big planets,
For Betelgeuse or Adelbaran,
And all the big planets cared nothing for her,
That small impertinent charlatan.
.
Extrait du poème Full Moon
Extrait du poème Herbes, du recueil « Carré blanc« , 1965.
Éparse autour de toi pleurait la tubéreuse
Tes seins se dressaient fiers de leur virginité…
Dans mes regards brûlait l’extase douloureuse
Qui nous étreint au seuil de la divinité.
.
extrait du poème « Nudité« , 1901
À l’exacte moitié du trapèze lunaire,
un nœud de chemins obscurs m’a sauté à la gorge.
« Annulaire de lune », 1977
Ta voix sur moi
Comme une main lourde et savante
Je mets mes lèvres sur ta voix
Et j’ai moins soif.
Je n’ai plus d’âge
Rien que des matins morts
Où floconnent les fleurs
Des vergers anciens.
Il arrive qu’à paupières closes
je surplombe ce corps sans volume
s’élevant dans l’air fertile
glissant à ras du sol
dans le toucher des choses.
extrait du recueil « Cavernes et soleils« , 1977
Tant-Mieux petit chat au nom optimiste
mort comme un petit espoir
aux yeux bleus
J’ai tant souffert par ta
petite absence
petite presence
petite fourrure autour de mon cœur
petite fourrure autour de mon cou
je t’entends dans mon souvenir
ronronner perpétuellement
petite usine de contentement
petit Tant-Mieux
petite vierge
je t’aime d’un amour qui
fait sourire
les gens sérieux.
extrait de « Cahier de curieuse personne » de 1933.
I saw above a sea of hills
A solitary planet shine
And there was no one, near or far,
To keep the world of being mine.
La beauté n’est pas immortelle.
C’est notre réponse, le langage des chiffres,
des notes, des touches chargeant sur le destrier des nuages –
les bosses contusionnées de baleines magnifiques.
Nuages de mon enfance, nuages de Dieu
Baignant dans le rose, le violet et l’or.
Beauty alone is not immortal.
It is the response, a language of cyphers,
notes, and strokes riding off on a cloud charger-
the bruises humps of magnificent whales,
Clouds of my childhood, clouds of God
Awash in the rose, violet and gold.
.
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extrait d’un poème du recueil « Présages d’innocence » de 2005.
(Traduit de l’anglais par Jacques Darras)
(ndlr: Ici je me suis trompée! Il s’agit en réalité d’un poème d’Anna de Noailles: je n’avais pas croisé mes sources internet, d’où la bourde. Il faudra que je rende justice à Catherine Pozzi en ré-illustrant l’un de ses poèmes…)
Poème de l’amour LXIX
Si vraiment les mots t’embarrassent
Ne dis rien. N’aie pas froid;
C’est moi qui parle et qui t’embrasse;
Laisse-moi répandre sur toi,
Comme le doux vent dans les bois,
Ce murmure intense à voix basse.
(extrait)
« J’ai toujours ressenti ma bouche comme un monde : voûte céleste, grotte, gorge, gouffre. »
« Rainer, hier soir je suis sortie ramasser le linge, car la pluie venait.
Et j’ai pris tout le vent, – non, tout le nord dans mes bras. Et il s’appelait toi. (Demain, ce sera le sud !)
Je ne l’ai pas fait entrer, il est resté sur le seuil. Il n’est pas entré mais il m’a emmenée en mer dès que j’ai été endormie. »
(extrait)
« J’ai la lune juste en face. J’essaie de l’attraper dans le miroir d’argent de ma bague. »
.
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Traduit de l’allemand (car elle était bilingue russe/allemand et écrivait à Rilke dans sa langue, l’allemand) par Bernard Pautrat
Extrait du poème « Chants en fuite » du recueil Invocation de la grande Ourse, 1956
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Je crains encore de te lier au fil de mon souffle,
de te draper dans les bannières bleues du rêve,
aux portes du brouillard de mon sombre château
de brûler des torches qui te mènerait à moi…
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Extrait de « Poèmes de 1948-1953«
Traduction de Françoise Rétif .
–J’ai dans mon cœur un parc ou s’égarent mes maux,
Des vases transparents où le lilas se fane,
Un scapulaire où dort le buis des saints rameaux,
Des flacons de poison et d’essence profane.
(…)
–Et mon fixe regard qui veille dans la nuit
Sait un caveau secret que la myrrhe parfume,
Où mon passé plaintif, pâlissant et réduit
Est un amas de cendres encor chaudes qui fume.
–Je vais buvant l’haleine et les fluidités
Des odorants frissons que le vent éparpille,
Et j’ai fait de mon cœur, au pied des voluptés,
Un vase d’Orient où brûle une pastille…
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Extrait du poème « Les parfums«
En robe de deuil et sous ton chapeau sombre
Où luit la tache de lune de tes cheveux,
Demeure avec moi, sans lumières, si tu veux
Enchanter mon amour Saturnien de l’ombre.
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Extrait du recueil « nos amours secrètes« , destiné à Natalie Clifford Barney, 1902-1905
(Extrait)
Does my sexiness upset you?
Does it come as a surprise
That I dance like I’ve got diamonds
At the meeting of my thighs?
Out of the hearts of history’s shame I rise
Up from the past that’s rooted in pain
I rise
I’m a black ocean, leaping and wide, Welling and swelling I bear in the tide.
(Extrait )
J’ai sauté de moi jusqu’à l’aube
J’ai laissé mon corps près de la clarté
Et j’ai chanté la tristesse de ce qui naît.
.
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.
He dado el salto de mí al alba.
He dejado mi cuerpo junto a la luz
y he cantado la tristeza de lo que nace
Le chien de l’hiver mordille mon sourire. C’était sur le pont. J’étais nue et je portais un chapeau à fleurs et je traînais mon cadavre également nu et avec un chapeau de feuilles mortes.
(extrait de: Un songe où le silence est d’or, traducteur inconnu)
Sous la nuit et ses voiles
Que nous illuminons
Comme un cercle d’étoiles,
Tournons en choeur, tournons.
(extrait)
D’un souffle printanier l’air tout à coup s´embaume.
Dans notre obscur lointain un spectre s’est dressé,
Et nous reconnaissons notre propre fantôme
Dans cette ombre qui sort des brumes du passé.
(extrait)
J’ai prié les sorciers de prendre soin de moi
Alors ils m’emmenèrent.
J’étais
Mon rire
Doux
Ma nudité
Bleue
Et mon péché
Timide.
Je volais sur une plume d’oiseau et devenais oreiller à l’heure du délire.
Ils couvrirent mon corps d’amulettes
Et enduisirent mon coeur du miel de la folie.
Ils gardèrent mes trésors et les voleurs de mes trésors
M’apportèrent des fruits et des histoires
Et me préparèrent pour vivre sans racines.
Et depuis ce temps-là je m’en vais.
Je me réincarne dans le nuage de chaque nuit et je voyage.
Je suis la seule à me dire adieu
Et la seule à m’accueillir.
Chaque nuit
je m’entraîne à mourir
j’explore la cartographie
de l’au-delà .
Dans les villes où je passe
j’organise des expositions
de mes rêves
que je vends au marché noir
.
.
Extrait du recueil « L’avaleur de feu »
L‘océan d’où j’étais sortie
il y a des millions d’années
se réveille en moi
quand je t’aime
Dans mes étreintes
je laisserai sur ton corps
des restants de coquillages
Ton lit sera recouvert
d’une fine couche de sable
.
.
Extrait du recueil « Galaxie intérieures«
I am inhabited by a cry.
Nightly it flaps out
Looking, with its hooks, for something to love.
Je suis cette demeure hantée par un cri.
La nuit, ça claque des ailes
Et part, toutes griffes dehors, chercher de quoi aimer.
.
.
Traduction de Valérie Rouzeau
(extrait)
Tout à coup s’ouvre une porte
sur le souffle de la nuit,
l’air des feuillages m’apporte
la solitude et son bruit.
(extrait)
(Dans le secret des moisissures
Les tiges se cherchent aussi
Et se mélangent sans mesure.
Les conifères ont relégué
Leur sexe menu dans des graines
Où le souvenir de la mer, à peine
Une goutte d’eau, est resté.)
.
.
.
Extraits du recueil « Paysage cruel », 1946
(extrait)
Et dans cette féerie de pacotille, au milieu des étoiles en doublé et des lunes en papier
d’argent, mon spleen inquiet s’endormait comme un enfant malade qu’on berce.
30 juin 1883
Love is a word another kind of open —
As a diamond comes into a knot of flame
I am black because I come from the earth’s inside
Take my word for jewel in your open light.
Pour toi – contre toi
Jette toutes les pierres derrière toi
Et libère les cloisons.
À toi – sur toi
Pour cent chanteurs au dessus de soi
Les sabots s’arrachent.
JE vide mes champignons
JE suis le premier hôte de la maison
Je libère les cloisons.
1934
If end I gained / It ends beyond/
Indefinite disclosed/ I shut my eyes-
and gripes as well/ ‘Twas lighter –
to be Blind.
.
Si j’ai atteint un but/ Il est au delà/
De l’Indéfini révélé -/ J’ai fermé les yeux-
et tâtonné tout autant-/ C’était plus léger –
d’être Aveugle.
Extrait de La maison de l’inceste, 1936
.
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Et Voilà!
J’espère que ce petit panel de poétesses vous aura plu, inspiré ou donné envie de lire leurs poèmes.
Poétiquement vôtre,
Maureen